FATEN, Artiste Mosaïste syrienne en quête de liens durables avec la France…
J’ai été contactée fin août par Mahaut de l'association Each One. Sa mission ? révéler le potentiel de chaque être humain indépendamment de son origine et de son projet de vie. Elle souhaitait me mettre en relation avec Faten que j'ai eu la chance de rencontrer le 11 septembre à Conflans-Sainte-Honorine. Elle m'a raconté son histoire, son voyage de la Syrie à la France en quête de paix et de liberté.

*** UNE HISTOIRE D'AMOUR ET DE RÉSILIENCE ***
Qui est Faten en quelques mots ?
Je ne connais pas la réponse. Je suis humaine. C'est tout.
D'où viens-tu et depuis quand vis-tu en France ?
Quand j'étais petite, en Syrie, j'aimais beaucoup l'artisanat. Je me disais souvent : "Quand je serai grande, je ferai quelque chose de mes mains".
Après mon baccalauréat, j'ai fait quatre années d'études de sociologie à Damas. J'ai arrêté mon cursus lorsque je suis tombée enceinte de ma fille aînée. Je n'avais pas envie de faire un doctorat dans ce domaine alors j'ai continué ma vie de maman avec la naissance de mon fils puis de ma benjamine.
Je suis arrivée en France le 25/11/2016. Cela fait donc bientôt quatre ans que je vis ici.
Comment définis-tu ton métier ? Pourquoi as-tu choisi cette voie ?
Parlons d'abord du contexte. En Syrie, en 2012, nous étions en pleine guerre civile, à déjà plusieurs années de conflits. C'était très difficile de trouver des institutions et formateurs pour acquérir de nouvelles compétences. L'accès à Internet était limité.
Avant la guerre, j'avais entendu parler de fusion du verre. C'est une technique que j'aurais bien voulu apprendre dans mon pays mais il n'y avait personne pour me la transmettre.
La situation politique était si chaotique que j'ai dû quitter la Syrie avec mes enfants Elissar, Adam et Rahele pour me réfugier en Egypte. Là-bas, j'ai pu bénéficier d'une courte initiation à la fusion du verre que maîtrisait une artisane et enseignante égyptienne experte en histoire de l'art. Mais ce n'était pas suffisant.
J'ai continué à m'entraîner seule et à faire plusieurs tests jusqu'à y arriver. Mon travail plaisait tellement que je pouvais faire des expositions et ventes dans ce pays d'accueil. Parallèlement à cette activité, j'ai travaillé comme bénévole auprès de l'association Care qui aide les femmes réfugiées à retrouver confiance en elles et à gagner de l'argent par leur travail créatif. J'y ai été nommée formatrice en mosaïque sans avoir eu d'expériences préalables dans ce domaine. C'était une belle expérience mais la séparation de ma famille était difficile à vivre. J'étais entourée mais seule. Seule avec mes enfants. J'étais censée immigrer provisoirement en Egypte avec mes enfants le temps que la situation se calme ou que mon mari puisse nous rejoindre mais la prise du pouvoir du président Fatta Al-Sissi a fait échouer notre plan de survie. Le regroupement de conjoints syriens n'était plus autorisé. Mon époux ne pouvait plus nous rejoindre. C'est à ce moment-là que j'ai décidé de quitter l'Egypte, de tirer un trait sur mes engagements associatifs locaux et sur la nouvelle vie que j'essayais d'y construire tant bien que mal.
A mon arrivée en France, j'ai cherché en vain des boutiques pour commercialiser mes créations. J'avais aussi la contrainte du four qui ne pouvait pas tenir dans mon petit appartement. C'est de là que j'ai commencé à m'intéresser de plus près à des formations sur la mosaïque. Comme elles sont coûteuses, j'ai décidé d'apprendre seule en attendant de pouvoir en bénéficier.
*** L'ART COMME RENOUVEAU ***
Quel parcours ! Quel bilan fais-tu aujourd'hui de ce choix de vie ?
J'aimerais développer mon travail et toucher des clients français. Pas uniquement des Américains comme c'est le cas sur ma boutique Etsy.
J'aimerais échanger plus avec les Français sur leur culture, leur vision de l'art et leur style. Pour l'instant, je ne sais pas ce qu'ils recherchent, ce qu'ils aiment en termes de couleurs par exemple.
J'aimerais aussi suivre ou proposer des formations destinées aux femmes et aux enfants. J'aimerais laisser une empreinte en France comme en Syrie ou en Egypte. Pas juste rester à la maison et m'occuper de ma famille. J'adore ma famille mais d'un point de vue social et professionnel, ce n'est pas la vie dont je rêve.
Qu'est-ce qui te plait le plus dans la mosaïque ?
Apprendre encore et encore. Découvrir sans cesse de nouveaux matériaux et techniques.
Il y'a de nombreuses façons de s'exprimer avec la mosaïque. Quand je travaille, je me sens heureuse et motivée. Je suis à chaque fois pressée de voir le résultat final même s'il arrive qu'il ne soit pas comme espéré. Ce qui est drôle, c'est lorsque je n'aime pas du tout l'une de mes créations et qu'elle est très appréciée des clientes sur ma boutique en ligne.
Avec la mosaïque, il est très difficile de reproduire une création à l'identique. Cela fait que chacune de mes pièces est unique. J'aime bien ce côté exclusif.
J'aime aussi les couleurs. C'est quelque chose qu'on retrouve beaucoup dans mon travail avec une préférence pour le bleu et le vert.
As-tu déjà traversé des épreuves difficiles que tu as surmontées ? Des conseils tirés de ton expérience ?
Bien sûr. Ce que je peux en dire est qu'il y'a toujours de l'espoir. Il y'a toujours quelque chose à faire.
On doit essayer, essayer, essayer pour arriver à réaliser ce que l'on aime. Il ne faut surtout pas arrêter. Celui qui aime son travail ne s'ennuie pas. Avec l'amour, il peut toujours réaliser de nouveaux projets et avancer.
*** TISSER DES LIENS EN FRANCE ***
Quel est ton rêve d'artisane aujourd'hui ? Quels sont tes besoins actuels et les projets que tu aimerais absolument réaliser à court-terme ?
J'aimerais apprendre encore plus. Apprendre encore d'autres techniques, exposer mes œuvres, avoir plus d'opportunités professionnelles.
J'aimerais rester en France, avoir plus de contacts avec les Français. Pas seulement pour gagner ma vie mais surtout pour avoir des appréciations sur mon travail. J'ai besoin de plus de retours. J'ai besoin d'être encouragée. C'est très important pour moi. Je n'aimerais pas travailler et créer uniquement pour moi. J'aime la vie en France. Elle est calme, on s'y sent libre. Mon seul problème est la langue que j'ai encore du mal à parler correctement. En Egypte, je pouvais faire des expositions, exprimer clairement mes idées, expliquer mes tableaux aux clients et visiteurs. Ici, c'est plus difficile.
Et en tant que femme, quels sont tes rêves ?
Je suis très contente de ma vie de famille. Depuis mon arrivée en France, mon mari a pu nous rejoindre. Ma fille aînée est aujourd'hui indépendante et vis à Paris. J'essaie de faire en sorte de rassembler la famille le plus souvent possible autour d'un bon repas. Je tiens à ce qu'on passe du temps ensemble car nous sommes occupés dans nos activités, éloignés en journée : les enfants à l'école, mon mari au travail et moi à la maison. Lorsque je peux, j'aime apporter mon aide aux femmes de mon entourage qui en ont besoin.
J'ai 47 ans. Je n'ai pas toujours du temps libre. Je dois travailler. J'ai des responsabilités. Je cours tout le temps. Ce n'est pas toujours facile mais je me sens heureuse. Je me concentre sur le positif car si je m'apitoie sur mon sort, tout deviendra mauvais. C'est un état d'esprit que j'ai depuis la Syrie.
Un message au monde ? Un mot d'espoir, d'amour ou un coup de gueule à faire passer ?
Si vous pouvez rendre service aux autres, faites-le sans calcul !
Où peut-on découvrir et commander tes créations ?
Elles sont pour l'instant disponibles sur ma boutique en ligne Etsy mais j'aimerais aussi pouvoir les exposer en magasin.

C'est déjà la fin du voyage dans l'univers de Faten. J'ai été ravie de faire la connaissance de cette femme au grand cœur, de cette femme autodidacte et talentueuse dont j'admire la positivité à toutes épreuves. Si vous souhaitez échanger avec Faten sur son travail ou lui passer une commande spéciale, contactez-moi pour une mise en relation ou écrivez-lui directement sur sa boutique en ligne Etsy.
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Avec tout mon cœur,
Vanessa Lokossou