JULIANNA, Artisane Bijoutière et femme accomplie d'Amazonie…
Au cours de mon séjour au Brésil en septembre 2018, j'ai passé trois jours inoubliables au sein d'une communauté d'indiens indigènes vivant au cœur de l'Amazonie. Après deux heures et demie de bateau, j'arrivais au village de la tribu Baré, accueillie par Walmir et sa famille. Un séjour à la fois déroutant et didactique que je vous détaille ci-dessous au travers d'un long entretien avec Julianna.

Dès les premières heures suivant mon arrivée dans le village, j'ai senti une connexion avec Julianna. Walmir est venu nous la présenter fièrement, précisant qu'elle allait bientôt donner naissance à leur quatrième enfant. Cet entretien est une compilation d'échanges avec Julianna sur les trois jours mais la plupart des informations ont été recueillies le 10 septembre, veille de mon départ entre 18h00 et 20h00. Nous avons d'abord commencé à discuter sur la place du village, puis à la tombée de la nuit, comme je ne pouvais plus écrire, nous sommes allées dans la salle à manger des parents de Julianna qui avaient une lampe solaire. Ensuite, Walmir qui a pris l'initiave de préparer le repas nous a invité à le rejoindre chez eux car il voulait de la compagnie. Nous étions à ce moment-là sur la seconde partie de l'interview plus axée sur la tribu Baré. Il ne sait donc rien de tout ce que m'a confié Julianna sur son enfance, son couple, sa vie de femme et de maman. Il cuisinait pendant qu'elle répondait aux dernières questions sur la tribu et elle l'a même appelé plusieurs fois à la rescousse lorsqu'elle avait besoin de précisions sur certains éléments. Cela m'a permis de constater ce qu'elle m'avait dit de leur relation. Une belle histoire !
*** JULIANNA, L'ARTISANE ***
Comment es-tu entrée dans l'univers de l'artisanat ? Qui t'a appris le métier ?
J'ai commencé à fabriquer des objets à 19 ans, juste après mon mariage avec Walmir. C'était le seul moyen pour nous de générer des revenus suffisants pour le foyer. Aujourd'hui, nous faisons aussi un peu de commerce. Walmir achète des vivres à Manaus que nous revendons aux voisins.
Quelle a été ta première création ?
C'était un collier de perles destiné à la vente.
Quelle est ta spécialité aujourd'hui ?
Je maîtrise la fabrication de bijoux en graines provenant de différents arbres du village. Il y'a par exemple les graines "tento", les "pinadabi" et les graines açai plus connues. Walmir lui utilise plutôt du bois, principalement le "itauba" et le "muirapiranga" pour la fabrication d'articles de décoration (dauphin et raie) ou de porte-clés.
--- Behind the story: Après quelques recherches, je me suis rendue compte que les noms de graines et de bois donnés par Julianna étaient dans le dialecte de la tribu Baré qui est, après le portugais, la seconde langue d'échanges entre les membres de la tribu. Je n'ai pas réussi à trouver leur équivalence en français sauf pour la "tento", graine de Sibipiruna, rouge et bombée.
Comment passes-tu du poisson frais aux bijoux contemporains que l'on peut voir exposés dans la salle à manger ?
Les bijoux en écaille de poisson sont une création plus récente que les graines. Je suis la seule à la proposer dans le village. En me rendant un jour dans la ville de Manaus, j'ai vu des bijoux en écaille colorés. Ils m'ont tout de suite plu et j'ai décidé d'apprendre à en créer en apportant ma touche personnelle. Pour leur fabrication, tout part de la pêche au pirarucu, poisson géant d'Amazonie que nous avons pour habitude de consommer. Au lieu de jeter les écailles du poisson qui à l'époque étaient considérées comme des déchets, je les collecte et les fais sécher au soleil pendant environ 10 jours afin d'éliminer toute l'odeur du poisson. Je m'approvisionne en crochets en acier inoxydable en ville et après quelques croquis, je peux démarrer mes créations. Mon matériel est très simple : des ciseaux, une pince, du papier de ponçage et un chalumeau.
Dans la salle à manger de Julianna : à gauche, écailles de poisson pirarucu séchées, au centre, plat à base du même poisson, à droite, boucles d'oreilles en cours de fabrication.
*** UNE ENFANCE STRICTE ***
Parle-moi un peu de ton enfance ! Tu as grandi ici ?
Oui, je suis née ici et y ai toujours habité. C'est la raison pour laquelle je n'aime pas la ville. Je n'irai vivre à Manaus pour rien au monde. Je ne supporte pas les voitures, les bus, la foule. Ça me rend malade à chaque fois.
Tu as des frères et sœurs ?