MAYUMI, Artiste japonaise qui tisse les cheveux perdus en chimiothérapie…
J'ai découvert le travail de Mayumi Inoué le 24 août 2019 dans le cadre de son exposition "Fil de vie" à la Cité Internationale des Arts. Depuis, nous sommes restées en contact en espérant bientôt collaborer pour faire connaître son remarquable engagement sur le sujet du cancer.

Autour d'un bon petit-déjeuner sur l'île-Saint-Louis le 30 août, Mayumi m'a parlé de son parcours au Japon, son travail d'artiste, son expérience de résidence à la Cité Internationale des Arts et ses projets à court-terme. Comme je n'arrive jamais à garder les belles rencontres pour moi, j’ai traduit notre conversation en français afin de partager avec vous ce moment sensible et hors-du-temps qui m’a plongé dans une grande réflexion de plusieurs jours.
*** MAYUMI EN QUELQUES MOTS ***
Qui est Mayumi Inoué, la femme ?
Je suis née en 1988 dans la ville de Fukuoka située sur la côte nord de l’île japonaise de Kyūshū. J’ai une petite sœur.
Et l'artiste ?
Je réalise des installations artistiques en utilisant majoritairement du fil et des textiles. Je fabrique moi-même mon fil en transformant par exemple les feuilles d’un livre en œuvre d’art.
Je suis constamment à la recherche de points communs avec les autres êtres humains qui composent nos sociétés. J’ai ainsi pour mon projet sur le cancer utilisé mes propres cheveux pour réaliser plusieurs travaux de tissage.
Pourquoi as-tu décidé de devenir une artiste contemporaine et quel est le but de ton travail ?
J’ai commencé à dessiner à l’âge de 4 ans. L’idée de devenir artiste a émergé à force de recevoir des compliments sur mes peintures de fleurs cosmos.
Aujourd’hui, créer une œuvre me relie à la société. Je peux exprimer mes pensées par mon travail. Je veux créer du lien avec les autres. Parfois, je n’arrive pas à exprimer mes sentiments et mes pensées par la parole. Mon travail m’aide à me connecter à la société et à partager ce que je vis ou ressens. Même s'il arrive que la compréhension et l’interprétation du public sont différentes de ce que j’ai voulu exprimer, ce n’est pas grave car c’est dans tous les cas toujours enrichissant et inspirant d’aller vers les autres. Ces échanges stimulent ma créativité et me donnent de nouvelles idées.
Quels sont tes matériaux et techniques de prédilection ? Pourquoi ?
Je m’intéresse beaucoup au fil. J'ai fabriqué des fils à partir de livres, de partitions, de cartes, etc. L'histoire et le temps mis en chacun de ces supports sont transformés en un seul fil.
On lit de moins en moins les gros livres anciens. Pour moi, les découper, c’est leur donner une seconde vie, les réinventer.
J’aime beaucoup les livres pour deux raisons : l’histoire du livre (scénario) et l’histoire de son acquisition, le souvenir (cadeau reçu d’un proche, histoire de lectures des parents pendant l’enfance, etc.).
La mémoire est très importante dans la vie. Les bons souvenirs peuvent vous rendre heureux et il y’a toujours la possibilité de transformer les souvenirs tristes pour les rendre plus heureux dans le présent. C’est l’idée de mon exposition « Fil de vie » présentée récemment à la Cité Internationale des Arts.
Pour moi, les cheveux sont aussi un fil rempli de souvenirs, de pensées et d'ADN.
Depuis quelques années, je travaille beaucoup en m’appuyant sur la technique du tissage. Je pense que l’action de tisser en elle-même permet une rencontre des fils. On enfile l’aiguille, on part de rien, puis progressivement naît une ligne, puis une deuxième et ainsi de suite. Ce mouvement continu et répétitif fait écho au tour d’un cadran, au temps qui passe.